Histoire de Sète

Le dernier volet du "premier port de Cette" : Point d'argent… Courants, vagues et tempêtes ont eu raison des deux môles d'Henri IV

Point d'argent…

 

On ne sait si le prévôt d'Augier fut remboursé des avances qu'il avait faites pour l'avancement des travaux du port commencé près de l'actuelle anse du Lazaret. On connaît l'état du port en 1605, mais il semble bien qu'il soit resté dans cet état faute de travaux postérieurs. Toute l'entreprise a été abandonnée quand les fonds vinrent à manquer.

 

Les Etats du Languedoc restaient insensibles à tous les arguments des représentants de la couronne. Ils refusèrent d'avancer aucune somme, même quand on sollicita d'eux une subvention pour une année. Ils craignaient d'être entraînés dans l'engrenage du renouvellement de cette subvention. Ainsi le gouverneur avait-il procédé pour édifier le port de Brescou et cela avait coûté cher à la province. Afin de faire le point sur le montant des dépenses faites, par lettres patentes données à Paris le 17 janvier 1604, le roi donna mission aux Trésoriers généraux de France en la généralité de Montpellier de procéder à la visite du port de Cette et du fort de Montmorencette. Un des Trésoriers de France, Miles Marion, fut spécialement chargé de ce soin. Il s'entoura de de conseillers et deux catégories d'experts furent choisies. Un premier groupe de 17 personnes comprenait les patrons de navires "les plus entendus" des petits ports voisins, d'Agde à Frontignan. Ils étaient chargés de vérifier et constater l'importance des travaux exécutés. Un second groupe composé de notables était chargé d'estimer la dépense faite.

 

Le 17 février 1605 commença la vérification des travaux. Il fut constaté que, presque parallèle à la plage, le grand môle ne se trouvait "en sa perfection" que sur les deux tiers de sa longueur : sur 25 mètres, la construction n'arrivait qu'à fleur d'eau. L'autre jetée, ou petit môle "qui est joignant le grand mol et assiz du costé du vent droit", mesurait 54 mètres de long et ne s'élevait que de 2,25 m au dessus de l'eau (pour 3,60 m pour la partie achevée du grand môle).

Les deux jetées présentent une largeur considérable (30,35 m pour le grand môle contre 25,15 m pour le petit môle). Les deux jetées auraient-elles pu servir d'entrepôt, s'interroge Emile Bonnet. Quoi qu'il en soit, ce début de port a démontré son utilité. Il est profond (5 mètres) et a pu accueillir une galère du duc de Savoie venu s'abriter de la tempête.

Par mauvais temps, il a pu abriter 10 à 15 gros vaisseaux. Mais il a déjà coûté cher. Les notables calculent que d'après le cubage de pierre extrait, on peut estimer le nombre de charrois, de journées de travail. Le grand môle a coûté, d'après les calculs, 62 937 livres pour la partie achevée, 16 380 livres pour la partie à fleur d'eau. La construction du petit môle a coûté 43 680 livres.

 

Au total, d'Augier et ses équipes ont dépensé 123 997 livres. On est loin, souligne A. Degage, des 30 000 livres sollicitées par Henri IV auprès des Etats en 1602. Et faute d'argent, les travaux restèrent en l'état. Courants, vagues et tempêtes ont eu raison des deux môles d'Henri IV. Point d'argent, point de suisse.

 

 

HERVE LE BLANCHE

.Bateau, Natrure, Voiles, Autumn Nature

Le prévôt d'Augier fut chargé par le connétable de Montmorency de concrétiser les projets d'Henri IV "au cap de Cette"

Pierre d'Augier de Bagnols, noble de robe et officier de justice, est celui qui fut chargé par le connétable de Montmorency de concrétiser les projets d'Henri IV "au cap de Cette". Il se dévoua à sa mission dont l'échec ne peut lui être imputé. En hommage à son action, aujourd'hui, une rue de Sète porte son nom. Elle relie en droite ligne le jardin de la Pierrerie au lieu-dit "Jardin des fleurs".

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Pierre d'Augier avait la haute direction des travaux ordonnés par le roi. Il avait sous ses ordres 2 officiers. L'un, Claude Jonet, puis Marc Martin, veillait à l'emploi des fonds pour la construction du port. L'autre, successivement Simon d'Alméras (1598), Marc de Martin (1599) et César Jonet (1600-1603) était chargé du contrôle général. Il avait l'obligation de résider à Cette. Au dessus d'eux se trouvait un surveillant des travaux ou "subrestan".

 

C'est l'ingénieur Jean Donnat Pitou, associé au sieur Emmanuel Desturbe, qui assurait la partie technique. C'est lui qui avait fait la meilleure offre pour la réalisation des travaux. Une sorte d'état-major veillait donc au travail des "trassaïres" (carriers), chargeurs et déchargeurs et des charretiers qui amenaient les blocs de pierre à pied d’œuvre. Pierre d'Augier, en quelque sorte le maître d’œuvre, consacra à ces travaux tout son temps, ses soins et son argent. Il négligea la charge de prévôt général du Languedoc, au point de cesser ses chevauchées à travers la province destinées à poursuivre "malfaiteurs et indésirables". Il s'en expliquera devant les états du Languedoc réunis à Pézenas. Et il allait même engager dans l'entreprise sa fortune personnelle.

 

En effet, à la suite du refus des états du Languedoc de participer au financement du projet royal en 1596, les fonds étaient fournis par une fraction de l'impôt sur le sel et par un impôt de 2 % sur les marchandises empruntant les graus de Frontignan et Maguelone. Et l'affaire va son train. En 1601, Pierre d'Augier assure que le port "est en bon état". Mais il fallut à nouveau solliciter les états du Languedoc : la fraction de l'impôt sur le sel avait été incorporée à la gabelle et l'impôt de 2 % était réduit de moitié. Le duc de Vantadour, représentant le connétable et gouverneur du Languedoc Montmorency, plaide par deux fois devant les états à Pézenas fin 1602. En vain. L'assemblée ne soutient pas le projet du roi et c'est à ce dernier de financer les travaux. Les fonds manquant, Pierre d'Augier emprunte sur son nom propre, engageant sa fortune personnelle en garantie de l'emprunt. Selon Degage (Histoire de Sète, Privat, 1987), la conduite des travaux ne peut que s'en ressentir : en 1603, une vingtaine d'ouvriers travaille à l'avancement du chantier des môles pendant 7 mois. Malgré certains progrès, d'Augier finit par se lasser et demande le remboursement des sommes avancées.

 

On peut méditer sur la nature du pouvoir royal à la fin du XVIè siècle, son degré d'autorité, ses faiblesses et le dévouement qu'il pouvait inspirer à certaines élites. Le cas du prévôt d'Augier était-il exceptionnel ?

 

Hervé Le Blanche

La Ville de Sète commémore sa libération

C’est sous un soleil de plomb, dès 9h du matin, que de nombreux officiels de l’Etat et d’associations d’anciens combattants ont répondu à l’appel et se sont rassemblés au pied du Rose Roc, monument aux martyrs de la résistance et de la déportation sur la promenade Maréchal Leclerc, ce mercredi 23 août 2023.

Cette date marque le 79e anniversaire de la libération de la ville de Sète, le 23 août 1944, au sortir de la seconde guerre mondiale. Sous l’œil immuable de la sculpture, connue sous le nom du décapsuleur, et de la flamme au souvenir, allumée pour l’occasion, François Commeinhes et ses adjoints Blandine Authié et Francis Hernandez, étaient aux côtés de huit porte-drapeaux pour rendre hommage aux morts et disparus du conflit et entonner le chant des partisans.

Le maire de la Ville, les associations d’anciens combattants, ADIRP (Association de Déportés Internés Résistants et Patriotes), le Souvenir Français, l’ARAC (Association Républicaine des Anciens Combattants), ULAC, et les représentants des collectivités départementales et régionales ont ensuite, tour à tour, déposer des gerbes devant la flamme, face à la mer. Dans son discours de commémoration, François Commeinhes a évoqué la peur ambiante de Sète occupée à partir de novembre 1942. “Les couvre-feux, les humiliations, la mort, les témoignages de cette époque sont rares dans notre Ville, mais à la libération, les garnisons allemandes se replient en détruisant une partie de la Ville, dont les vestiges ressurgissent encore aujourd’hui. Ce mot “libération” reste chargé d’amertume et de cendres. Je supplie nos enfants de demeurer fidèles à l’idéal de liberté, d’égalité et de fraternité.”

Une deuxième cérémonie commémorative s’est ensuite déroulée à la gare de Sète, en mémoire des cheminots morts pour la France.

Le transport du vin par l'étang de Thau.

L'influence de Sète se faisait sentir, surtout au XIXè siècle, sur les petits ports de l'étang (en fait, la lagune) de Thau : Bouzigues, Mèze, Marseillan. Pour amener du vin à Sète, ou en exporter (ainsi que des alcools) par le canal du Midi vers Toulouse, des types spécifiques de bateaux furent utilisés. Ils remplirent leur office jusqu'à ce que, dans le cas de Marseillan, les camions citernes les supplantent.

 Tonneau De Bois, Baril, Tonneaux En Bois

Dans l'ouvrage Le Transport du vin sur le canal du Midi (éd. Causse, 1999, collection La Journée vinicole) sont distingués trois types de bateaux de transport. Etait utilisée même la "barque de mer", petite tartane à quille horizontale de 15 mètres de long pour 5 de large, tirée par une voilure latine classique. Pour naviguer sur l'étang et en partie sur le canal du Midi, on utilisait la "barque de patron" ou "barque de canal". Cette embarcation à fond plat, aux flancs presque rectilignes et aux extrémités très pleines, pouvait emporter 120 tonnes de fret.

Longue de 28 mètres pour 5,3 de largeur, elle supportait 1,60 m d'enfoncement. Le mât central était aisément abattable. Il portait une voilure latine en navigation sur les étangs, mais une voile carrée en guise d'auxiliaire pour le trajet sur le canal. Entièrement pontée, la barque de canal emportait en cale et en pontée des demi-muids de vin (soit 800kg) ou des cargaisons de blé, d'huile, de sel. Par ailleurs, une barque n'était ni "de mer", ni "de canal", c'était la "barque sétoise". Plus allongée que la barque de mer, la proue pourvue de guibre (soutènement en bois du beaupré), d'un gréement latin, elle transportait des demi-muids de vin depuis les petits ports de l'étang de Thau vers Sète.

 

A l'ouest du bassin de Thau, le port de Marseillan, nous rappelle-t-on, était actif dès le Moyen-Age. Il profita de la proximité de l'embouchure du canal du Midi dès 1689 quand fut mis en eau le tronçon Trèbes-Les Onglous, ce qui ouvrit la voie vers Toulouse. Et dès le XVIIIè furent établis des liens avec Sète où l'on allait livrer des variétés locales de vin, appréciées parfois par des négociants parisiens.

Mais c'est à la fin du XIXè siècle que le trafic sur l'étang connut son apogée. Les 3 barques de canal de l'armateur Germain Cousin assuraient la liaison avec Toulouse. Une dizaine de barques assurent le trafic avec Sète en 1894. Elles abordent au lieu dit "Tabarka", en face des chais des établissements Bulher qui font commerce de vin en gros. Or, malgré les travaux de dragage, l'envasement envahissait le port. Et le trafic se poursuivit à la baisse. Cependant, en 1920-21, 14 bateaux "d'assez fort tonnage" (?) assuraient le trafic vers Sète des vins et alcools. Les embarcations étaient celles de 3 armateurs : Emmanuel Henri (4 bateaux), Alexis Miramond (4 barques dont laMarseillaise, le Saint Pierre), Louis Boudou (6 barques dont le Saint Etienne, le Brûle l'Air, Les trois frères).

 

En 1960, le trafic touchait à sa fin : un seul bateau alimentait les établissements Noilly-Prat et Baïsse. Les camions l'avaient emporté. La route avait vaincu la voie d'eau.


Hervé Le Blanche

10 vidéos sur les joutes

Le musée Paul-Valéry  a proposé une série de 10 vidéos très instructives sur les joutes en 2021 : sur https://www.youtube.com/c/Mus%C3%A9ePaulVal%C3%A9ryS%C3%A8te34/

Les Joutes sétoises 01 - La création des joutes à Sète
Réalisation : Maïthé Vallès-Bled
Post production : Agence Réflexion[s] https://www.agence-reflexions.fr
Copyright : Musée Paul Valéry – Sète https://www.museepaulvalery-sete.fr

 

 

Les Joutes sétoises 02 - Historique de la Saint-Louis
Réalisation : Maïthé Vallès-Bled Post production : Agence Réflexion[s] https://www.agence-reflexions.fr Copyright : Musée Paul Valéry – Sète https://www.museepaulvalery-sete.fr

Le musée Paul-Valéry propose une série de 10 vidéos sur les joutes

Le musée Paul-Valéry propose une série de 10 vidéos sur les joutes : sur https://www.youtube.com/c/Mus%C3%A9ePaulVal%C3%A9ryS%C3%A8te34/

Les Joutes sétoises 01 - La création des joutes à Sète
Réalisation : Maïthé Vallès-Bled
Post production : Agence Réflexion[s] https://www.agence-reflexions.fr
Copyright : Musée Paul Valéry – Sète https://www.museepaulvalery-sete.fr

 

 

Les Joutes sétoises 02 - Historique de la Saint-Louis
Réalisation : Maïthé Vallès-Bled Post production : Agence Réflexion[s] https://www.agence-reflexions.fr Copyright : Musée Paul Valéry – Sète https://www.museepaulvalery-sete.fr

Les régates de la Belle Époque, à Sète

Voile, Vieux Gréement, Mer, Eau 

 

La société nautique de Sète, fondée en 1863, connut un regain d’activité fin XIXè siècle – début du XXè, un moment qualifié plus tard de « Belle Époque » quand la nostalgie du temps d’avant la Grande Guerre mythifia ces années. C’est alors que les fêtes de la société nautique mobilisaient les notables sétois et non sétois.

C’est pendant l’été 1885 qu’eurent lieu les réunions les plus brillantes. Le 7 juin de cette année-là, il y eut une grande fête de la société nautique. Le temps était splendide. Les navires, dans le port, arboraient le grand pavois. Le « tout – Sète » était au rendez-vous : les officiers de la garnison, les notabilités dont M. de Montmajour commissaire de l’Inscription maritime et président honoraire de la société, M. Ruy Gomez le consul d’Espagne, yachtman distingué. Arrivés par le train, le préfet et l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées gagnent le Paul Bousquet de l’école des mousses pour assister aux courses. De nombreux donateurs avaient doté de prix les compétitions : le président de la République, le Yacht Club de France, le conseil général, la chambre de commerce, les compagnies de navigation (Fraissinet, Cyprien Fabre, Hispano - Française), le cercle du Commerce et même la brasserie de l’Esplanade. Trois yachts marseillais s’étaient déplacés, dont le redoutable Alcyon appartenant à M. Rocca. C’est lui qui remportera le prix d’ensemble et, après 2 heures de course, triomphera des sétois Darling, à M. Koester et Magali à M. Jansen. Il fera l’admiration des connaisseurs.

Darling triomphera aux régates suivantes dans la troisième catégorie (entre 6 et 12 tonneaux) devançant Marguerite, à M. Francke, malgré quelques difficultés réduisant sa vitesse habituelle. Certains propriétaires barraient eux-mêmes leur embarcation. Les négociants comme MM Francke, Fiat, Senes se faisaient un temps hommes de mer, dirigeant eux-mêmes la manœuvre, remplaçant le skipper professionnel. C’était alors une nouveauté. Et certains, comme le rédacteur du très sérieux journal Le Temps, voyaient là une bonne école pour futurs officiers de torpilleurs. Quoi qu’il en soit, les fêtes nautiques se développaient. En 1900, les yachtmen s’affrontèrent 3 fois, le 15 août, le 28 août (à l’occasion de la Saint Louis), le 9 septembre. Le 15 août, à 8 h du matin, face à la brise d’ouest, la flottille s’élança pour doubler le cap d’Agde. Ce fut Marga, à M. L. Sabatier, qui l’emporta devant Catalan, à M. Decattler et Véga à M. Bonafos. Marga remporta les régates suivantes, tandis que s’illustrait Maroussia à M. Falgueirette, négociant propriétaire bien connu à Cette. Un petit yacht de moins de 3 tonneaux (6 m de long), Tourbillon (à la famille Herber) était en proie à la malchance : contraint à l’abandon en 1894, il casse son bout-dehors le 9 septembre 1900.

C’était au temps où la foule se massait sur le môle, la rampe des Arabes pour voir les yachts régater lors des fêtes de la Saint Louis et de la société nautique. Le goût de la mer semblait venir aux notables. Allait-il gagner toute la société française ?

Hervé Le Blanche



Les dernières secousses révolutionnaires à Sète de 1794 à 1795.

Les dernières  secousses révolutionnaires à Sète de 1794 à 1795.

 

Dans les années 1794-1795, la France repousse les menaces extérieures et doit faire face à une situation économique précaire. Paris connaîtra, en 1795, les derniers soubresauts de la Révolution. A Sète, on demeurait ferme dans la voie jacobine et la ville ne fut pas épargnée par l'émeute (juin 1795-12 Prairial, an III). L'échec de celle-ci marqua le début d'un jacobinisme diffus, mais tenace.

 

La Société populaire de Sète s'exaltait en apprenant les victoires de l'armée de la République sur les fronts extérieurs. Un danger proche hantait les esprits à Sète : l'invasion espagnole. Aussi, la ville prit-elle sa part au soutien de l'armée des Pyrénées orientales : envoi de grains, de fourrages. Une flottille de 17 voiles appuya les troupes de Dugommier dans leur contre-attaque qui les porta jusqu'en Catalogne. Dès la reprise du fort de Bellegarde en Roussillon en septembre, la Société populaire se réjouit du "succès français sur les satellites du despote castillan" et de la défaite des "pouilleux Espagnols".La France, Révolution Française

 

En politique intérieure, les Jacobins de Sète n'étaient pas portés à l'indulgence. Il est fait une adresse aux Jacobins de Paris "afin qu'ils soient fermes à leur poste". Or, en octobre 1794, les représentants en mission Goupilleau et Perrin demandent, de Montpellier, une liste de "citoyens ayant les qualités requises pour être membres du Comité révolutionnaire". Et les 14 et 15 vendémiaire (5-6 octobre), les représentants se rendent à la Société populaire. Face aux Jacobins endurcis de la Société, Perrin parle de justice, d'humanité, de favoriser la prospérité et réclame un nouveau comité révolutionnaire.

 

Les discussions parfois houleuses se prolongèrent et un nouveau Comité révolutionnaire vit le jour. Selon Delamont, ce groupe ne comprenait pas les révolutionnaires les plus exaltés. D'ailleurs, certains sont arrêtés : Jean André Pons cadet, Hilaire Maillé. Mais la roue a tourné. Le Club des Jacobins à Paris est fermé, puis détruit. A Sète même, une certaine lassitude gagne et la fermeture des Sociétés populaires se fait sans coup férir. C'est au printemps 1795 que Sète, comme Paris, connut sa dernière émeute. Dans une année marquée par "la douleur, la fatigue, la faim et la misère", les Sétoises réclament du pain. I

l y a des vivres stockés à la chapelle des Picpus. Mais ils sont destinés, leur dit-on, aux femmes des soldats sous les drapeaux ou des marins sous le pavillon. Le 12 Prairial (1er juin) les femmes vont au Conseil général pour réclamer des vivres. "On eut grand peine à les contenir". Dans la soirée, des attroupements se forment, on crie "Vive la Montagne, Vive la République". Quelques arrestations et des patrouilles de la garde nationale font cesser le désordre. Les "meneurs" sont emprisonnés huit jours à Sète . Trois seront conduits à Montpellier, Baptiste Olive, Farouch Cadet (celui qui menait la farandole au son du hautbois) et Laurent Moulins.

 La Société populaire avait cessé de se réunir dès mars 1795. Mais, même après l'échec de l'émeute de Prairial, le jacobinisme sétois ne disparaît pas. Il anime nombre de petits clubs ou sociétés pendant tout le XIXè siècle.

HERVE LE BLANCHE

Les murailles de Sète.

Les murailles de Sète.

 

 Sète est sans doute une ville récente à l’échelle de l’Histoire de la province et du pays (le môle a été commencé en 1666) mais certains monuments, quelque peu périphériques, témoignent d’un passé parfois agité. Le fort Saint-Pierre (actuel théâtre Jean Vilar) et le fort Richelieu (dominant le quartier haut, siège du sémaphore) rappellent une époque où notre cité était menacée de l’extérieur.

 

Dans les années 1710, Sète est une bourgade, nommée parfois « village », d’environ 1800 habitants où l’espace habité est parsemé de cours et jardins, de vignes, d’écuries, de poulaillers.

L’hôpital est logé dans une simple maison d’une pièce, comme les écoles. L’église Saint-Louis, à peine achevée, n’est pas encore pourvue de perron. Les édiles n’ont pas encore acheté l’hôtel de ville. Une vingtaine de maisons longent le canal, au delà de notre « premier pont » ; à l’époque, un pont de bois relie la ville à la route de Montpellier. Cinq maisons dont une auberge font face à l’agglomération. Pourtant, Cette doit être le débouché de la province du Languedoc et le second port du royaume en Méditerranée, après Marseille. L’importance de la ville à venir est pressentie aussi par les ennemis du royaume. Pendant la guerre de succession d’Espagne (1710-1713), alors qu’en Espagne et sur la frontière nord de la France s’étripent Français, Anglais, Hollandais et Impériaux, la flotte britannique tente un coup de main sur le Languedoc.

Débarqués par la flotte de l’amiral Norris, 1500 hommes se rendent maîtres de Cette pendant trois jours, du 25 au 28 juillet 1710. La descente anglaise traumatisa durablement la province. La monarchie mobilisa un de ses grands commis, Antoine Niquet (1641 ?-1726), ingénieur du roi et directeur des fortifications du Languedoc.

Sous son impulsion, le fort Saint-Louis (au delà de la partie coudée du môle) complète son armement, triple la capacité de ses casernes en 1711. Au dessus de l’anse du Lazaret, on dresse une batterie semi circulaire à deux bastions, la Butte ronde, dont les 6 canons doivent prévenir toute action hostile. Rien ne reste aujourd’hui des autres fortifications de la ville, enserrée dans des murets de pierre sèche baptisés « murailles ».

Des murailles, des murs de fortification, des vrais, surgiront après 1743 quand un nouveau conflit, sous Louis XV, opposera la France et l’Angleterre (guerre de succession d’Autriche). Le Languedoc paraît bien démuni. Les protestants des Cévennes acceptent mal l’ordre royal. On fait alors appel à un autre ingénieur royal, Jacques-Philippe Mareschal, nommé en 1739, à 50 ans, Ingénieur des fortifications de Provence et Languedoc. Il est connu aussi comme directeur des travaux publics des Etats du Languedoc ; on lui doit la Fontaine de Nîmes. A Sète, selon M. Catarina, il fera ériger, reprenant les plans de Niquet, les forts Saint-Pierre et Richelieu en trois ans (1743-1746).

 

Le fort Saint-Pierre, ancré sur la falaise, « à 48 pieds » au dessus de la mer, aligne 7 batteries sur deux étages en épousant le terrain. Il protège la ville à l’Est et « soutient puissamment » le fort Saint-Louis. Au Nord, sur un replat dominant la ville et la rade, le fort Richelieu sort de terre : 6 batteries surveillent le port, une la « montagne ». Comme au fort Saint-Pierre, on y stocke poudre et boulets. Il en a coûté 50 000 livres aux Etats du Languedoc, ce qui n’est pas énorme pour une place militaire ; Neufhusach, en Alsace, a coûté 2 millions de livres. Au total, en 1746, Sète dispose de 52 canons. A Saint-Clair, deux soldats et un matelot assurent la veille.

Les œuvres de Niquet, « le plus habile ingénieur que notre siècle ayt produit », et de Mareschal sont visibles de nos jours.

Elles sont le témoin d’époques troublées et aussi du savoir faire des « Ingénieurs du Roy » qui possédaient les règles de la guerre et jugeaient de la valeur militaire d’un site, mais avaient aussi le goût du monumental, le souci de solidité, du « bel ouvrage ». Deux siècles plus tard, la belle élévation et la géométrie stricte des murs des bastions est là pour en témoigner.

 

Hervé Le Blanche