Autres patrimoine

Succès des Journées du patrimoine 2016

Les Journées du patrimoine réveillent chaque année le goût des Français pour leur histoire, les vieilles pierres et les portes qui s’ouvrent un instant sur des lieux inaccessibles. Il n’est qu’à voir le succès des visites organisées tout autour de Montpellier, de l’Ecusson, à l’Aqueduc ou à la Place royale du Peyrou, du Théâtre Molière à Sète au Château de la Garenne à Poussan, pour mesurer cet engouement.
Visite de prestigieux domaines ou maisons viticoles, du Château de l’Engarran (Lavérune) à Noilly Prat (Marseillan), évocation de vendanges anciennes, expositions, parcours commentés, la culture du vin s’est invitée sous de multiples formes à ces Journées, témoignant du poids historique et économique de la viticulture dans notre région, mais aussi de l’attachement affectif des languedociens à leur histoire collective. Ils y renouent pour une part avec leur histoire personnelle, souvent enracinée dans le passé viticole de leurs villages, au gré de noms évocateurs rappelés, de visages disparus ressurgis. La magie des Journées du patrimoine opère quand elle coïncide avec les vendanges actuelles, emplissant les visites d’odeurs de raisin fraîchement cueilli, de moût en fermentation qui s’échappent des caves entr’ouvertes. 
Alors, un instant, se mêlent temps présent et temps retrouvé.

Florence Monferran

 

Nouveaux éclairages archéologiques sur le vin


La plus vieille taverne de Gaule? Salle à manger avec banquettes adossées au murs ©Fouilles de Lattes – CNRS 

Les découvertes archéologiques récentes à Lattes et au large des Aresquiers à Frontignan lèvent un voile sur de nouveaux pans de la culture du vin dans notre région.
Le site de Lattara, au sud de Montpellier, n’en finit pas de livrer des secrets enfouis depuis deux millénaires, et de renouveler notre connaissance du vin antique. Après avoir délivré, en 2013, le plus ancien témoignage d’une viticulture indigène en dehors d’une colonie phocéenne, datée du IIIe siècle avant notre ère, la ville portuaire fait l’objet, intra muros, d’une nouvelle découverte d’importance.  Un établissement daté entre 125 et 75 av. J.-C. est décrit par Gael Piquès (CNRS,ASM) et Benjamin Luley (Gettysburg College, USA). Taverne ou auberge, il s’agit pour l’heure du plus ancien établissement public de ce type attesté en Gaule. A  un carrefour de rues, deux corps de bâtiments, dont l’un abrite une cuisine avec trois fours et des supports de meules, surgissent de terre. Les archéologues pensent avoir trouvé une boulangerie. Mais très vite, deux salles contiguës, dont la mieux conservée disposait de banquettes en terre, agencées en fer à cheval autour d’un foyer, sont dégagées. La céramique trouvée (vases à boire, plats, quelques amphores et pièces de monnaie marseillaise), mais aussi une fosse emplie de déchets alimentaires et de restes de viande, en "quantités trop importantes pour correspondre à une consommation privée", pour Gaël Piquès, laissent penser à un établissement dédié, entre autres à la restauration.
Voilà qui donne un nouvel éclairage sur les Gaulois, initiés au goût du vin par les phocéens et les étrusques, dont nous connaissions depuis les textes antiques de Justin ou Diodore de Sicile « un fort penchant pour cette boisson nouvelle ». Eux-mêmes devenus viticulteurs avant l’arrivée des romains, les voici, ralliés aux mœurs latines et installés dans une tabernae.  L’établissement date en effet de la construction de la province Narbonnaise,  dans laquelle le port de Lattara développe des échanges commerciaux avec Rome, la Grèce et l’Espagne voisine. Importé du modèle romain, la taverne révèle le rôle « civilisateur » du vin dans la conquête de l’actuel sud de la France. Les fouilles opérées sur le site depuis cinquante ans, devenues internationales,  font de Lattara, ce lieu magique, un site patrimonial majeur.


relevé sous-marin, DRASSM  © Christine Durand

Nous sommes moins familiers des fouilles archéologiques sous-marines, qui se déroulent pourtant à quelques encablures de notre littoral. Au large des Aresquiers, la DRASSM a confié à la Section de recherches archéologiques de Frontignan la fouille d’épaves du passé post-industriel. Le sondage dans l’été 2015 d’une nouvelle pièce a donné lieu à « une magnifique fouille » selon archéologue maritime Laurence Serra. Venue présenter à Frontignan l’état des recherches auprès des Amis du Musée, elle expose l’hypothèse à vérifier du naufrage en 1856 d’un navire chargé de soufre en provenance de Sicile, le Saint-Stanislas. Les prises de mesures, coupes et dessins effectués sous l’eau, se font en permanence en binôme, dans des conditions de plongée difficiles, le sable aspiré retombant sans cesse. L’épave, de 22 mètres de long, gît à environ deux cents mètres du bord. Bien protégée, car entourée d’un limon gris très compact, le navire a conservé ses courbures. Dans ses cales, une cargaison légère de soufre, bois et douelles de tonneaux, était lestée de briques. Une fois les plongeurs remontés, commence le travail post-fouilles : analyse des bois, de la structure du navire, du soufre qu’il contient, recoupements avec les cartes et documents d’époque. De multiples disciplines se croisent, « l’archéologie, c’est une communion de compétences » commente la chercheuse. Après analyses, la preuve formelle qu’il s’agit du Saint-Stanislas, et que le soufre provenait de Sicile, n’est pas établie. Un prochain sondage dans l’été viendra affiner les données.
L’épave fait ressurgir le passé viticole local, à une époque où l’oïdium, champignon microscopique, ravageait le vignoble français. Un passé intimement lié, à Frontignan, au soufre. Plusieurs lettres d’un regroupement de viticulteurs écrivant, entre 1854 et 1858, au Ministre de l’Agriculture, déposées aux Archives de l’Hérault, font écho au difficile cheminement d’une idée, émise par Henri Marès, ingénieur et viticulteur lui-même, traiter l’oïdium au soufre. Ses efforts pour convaincre les grandes régions viticoles des bienfaits de la méthode, lui vaudront, une fois son efficacité établie, la reconnaissance de tous. Dès lors, s’ouvre un intense  commerce maritime. Déposé en vrac sur le port de Sète, le soufre, provenant des volcans d’Italie, est concassé à même le quai, puis acheté par les vignerons locaux. La construction de deux usines fin XIXe siècle à Frontignan et à La Peyrade organise et encadre ce commerce lucratif, dont l’épave échouée aux Aresquiers nous  rappelle les risques.

La vigne, omniprésente dans nos paysages, le vin, omniprésent dans notre économie se ressourcent,  au gré des découvertes archéologiques et historiques, à leurs racines et leur culture passées, qui en rappellent à la fois l’ancienneté et la vitalité.

Florence Monferran


Restes de trois fours ©Fouilles de Lattes – CNRS

Une initiative pour le patrimoine ... à New York

Après dix ans de travaux de numérisation, la Bibliothèque publique de New York met en ligne plus de 187.000 images, sur de magnifiques interfaces. Elle offre un accès libre et gratuit à ses collections de gravures, manuscrits, photographies, atlas selon ces principes: "Chacun a la liberté de réutiliser cette documentation de façon presque illimitée. La bibliothèque autorise le téléchargement dans la plus haute résolution, sans aucune autorisation, sans restriction sur l'utilisation". Elle encourage par ailleurs les internautes à les réutiliser de manière créative, par le biais du hastag #nyplremix. La bibliothèque n'hésite pas à montrer l'exemple en proposant un jeu vidéo dans les rues d'un New York reconstitué.
L'ouverture au domaine public de ce fonds patrimonial traite non seulement des Etats-Unis (régions, New York, les migrants,  années trente, partitions de vieilles chansons), mais aussi du monde entier, avec une impressionnante collection de gravures d'oiseaux et d'animaux, une série rare due à la première femme photographe, Anna Atkins, en 1843, aussi bien que des miniatures de la Renaissance ou une vaste collection de cartes anciennes. Parmi ces dernières, figurent une carte du Languedoc du XVIIe siècle, aux représentations encore tâtonnantes, ainsi qu'une carte du Cap et du port de Cette (1672). A noter également, la numérisation de la correspondance privée de Thomas Jefferson qui, avant d'être Président des Etats-Unis, fut Ambassadeur en France (1785-1789). Grand connaisseur et acheteur de vins, il laissa une empreinte mémorable de ses séjours en Languedoc, en particulier à Frontignan d'où il importa les Muscats.
De New York jusqu'à nous, cette initiative ouvre les portes de la connaissance iconographique de lieux de vie proches comme des plus lointains, et creuse la voie d'un savoir sur nos patrimoines partagé par tous via le net.

Florence Monferran


Le Creux de Miège, un patrimoine naturel et plus encore

Falaise et mare curetée. photo: Alain Campos

 

Pour se repérer dans la jungle des sigles, dispositifs protégeant et gérant le Massif de la Gardiole, les garrigues et les zones humides entre Palavas et Sète:

SC: Site Classé. Ex: Massif de la Gardiole
SIC: Site d'Intérêt Communautaire. Ex: Etangs Palavasiens
ZPS: Zone de Protection Spéciale. Ex: Etangs Palavasiens et Etang de l'Estagnol
ZNIEFF: Zone d'Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique. Ici: des Garrigues de la Madeleine

RAMSAR: Traité international pour la conservation et l'utilisation des zones humides
Natura 2000: Réseau de sites naturels européens identifiés pour la rareté ou la fragilité d'espèces animales ou végétales

SIEL: Syndicat mixte des Etangs et des Lagunes
SCOT: Schéma de Cohérence Territoriale
SAGE: Schéma d'Aménagement et de Gestion de l'Eau

 



La tenue de la 14e édition des Chantiers d'Automne des Conservatoires des espaces naturels, du 22 septembre au 21 décembre 2015, nous permet de rappeler que, entre Sète et Montpellier, le cordon littoral, les garrigues ou les hauteurs du Massif de la Gardiole sont protégés et gérés par différents dispositifs légaux (voir encadré).
Dernier en date, le classement du "Creux de Miège" en zone de protection de biotope conforte le caractère exceptionnel du lieu en tant que patrimoine naturel. Il couronne des années d'effort, en particulier deux campagnes de curetage et débroussaillage en 2005 et 2010, pour remettre en état un site très dégradé, qui offre ses reliefs à une riche faune et flore.

Un patrimoine naturel préservé

Cirque effondré de 100 à 200 mètres de diamètre, aux hautes corniches calcaires truffées de cavités, le Creux de Miège draine les eaux souterraines du sud de la Gardiole et abrite en son fond une mare, résurgence karstique bordée de chênes verts et alimentée par une source, la Miège. L'Arrêté préfectoral du 18 novembre 2014 délimite sur 32 ha la protection des falaises, garrigues, zone humide et chênaie, qui hébergent une plante vivace, la lavatère maritime, ainsi que des amphibiens (tritons, rainettes), petits oiseaux et reptiles. Il vise à encadrer les pratiques agricoles, limiter les pollutions  - l'emploi de produits chimiques y est proscrit, tout comme le dépôts d'ordures - et canaliser la circulation des personnes.
Plus encore que la curiosité de l'effondrement rocheux ou la rareté d'une petite zone humide au milieu de garrigues, le lieu éveille, chez les Mirevalais, bien des souvenirs.

Un patrimoine mémoriel vivace

Au XXe siècle encore, ils étaient nombreux à se baigner l'été dans l'eau rafraîchissante de la mare, improvisée piscine collective. Les anciens se plaisent à rappeler comment, enfants, ils occupaient leurs jours de congés pour parcourir les rives de l'Etang de Vic, traverser vignes et garrigue pour arriver au Creux de Miège "ce terrain de jeu privilégié où nous faisions nos premières armes d'alpinistes, de spéléologues ... et de fumeurs clandestins" raconte Henri Cailhol.
Abandonné aux décharges sauvages et aux broussailles, le site est entré peu à peu dans la mémoire collective comme un lieu emblématique, repère géographique et mémoriel chargé d'histoire.

Un patrimoine préhistorique enfoui

Le Creux de Miège s'inscrit en effet dans un ensemble datant du néolithique et du chalcolithique qui s'étend entre Frontignan et Villeneuve-lès-Maguelone. L'humanité s'éveille sur cette zone proche de la mer et de ses ressources, abritée des vents, alimentée de points d'eau pérennes comme la source de la Miège.
Le Creux sert d'abri sous roche, à flanc de falaise et de station de plein air aux hommes préhistoriques jusqu'à l'Age de Fer. Il permet une halte pour les pasteurs et les troupeaux entre les habitats de la Roubine à Vic-la-Gardiole et de la Madeleine à Villeneuve-lès-Maguelone.

Fouillé par les archéologues, comme Jean Arnal, les géologues et spéléologues comme Bernard Geze, il a pu être étudié encore dans les années 1970 par Marcel Soulier, Directeur d'école passionné d'histoire. Le site nous a légué un outillage perfectionné, apporte des témoignages de vie (restes culinaires, éléments de parures, petits vases), de travail agricole (morceau de meule en basalte) et de rites funéraires dans une grotte sépulcrale. Aux origines du peuplement de la commune actuelle de Mireval, il conjugue histoire, mémoire et identité locale.
Mais les vestiges, dégradés par des fouilles intempestives, la grotte avec siphon et lac souterrain, d'accès dangereux, ne sont plus accessibles. Se pose aujourd'hui au Creux de Miège le dilemme de toute conservation: comment concilier la mise à disposition des publics d'un patrimoine exceptionnel et la préservation du lieu et de ses richesses enfouies?

Florence Monferran

Portes ouvertes au site gallo-romain à Mèze

Vendredi 6 novembre, le public était invité à découvrir le site gallo-romain qui vient d'être découvert, sur l’emplacement du futur projet immobilier du Moulin à Vent, à proximité de la rue des Frères Argand à Méze

 site_gallo_romain2Un établissement rural datant d’une période estimée entre le milieu du 1er siècle avant Jésus Christ et la fin du premier siècle après Jésus Christ. C’est ce que vient de mettre à jour l’équipe du service d’archéologie préventive de la CCNBT sur l’emplacement du futur projet immobilier du Moulin à Vent, à proximité de la rue des Frères Argand.

 Avant que la construction de ce nouveau quartier débute, les habitants de Mèze ont été invités à venir découvrir les vestiges conservés sur ce lieu, le temps d’une unique visite guidée. Une centaine de personnes étaient présentes.


La campagne de fouilles dirigée par Ronan Bourgaut a été lancée à la fin du mois d’août. Elle va bientôt toucher à sa fin.
L’archéologue précise que « les investigations de son équipe ont permis de mettre à jour un chemin desservant le site mis en place au moins au 1er siècle av. J.-C., un système de caniveaux et d’égouts, une carrière, des bassins viticoles, un chai, et une grande structure enterrée de 16m de long, 5m de large et 2m de profondeur dont l’usage n’est pas clairement identifié mais qui pourrait éventuellement correspondre à un d’abreuvoir pour des animaux domestiques. »
Ronan Bourgaut évoque ensuite une nouvelle période de site : « Cette structure est abandonnée, à la fin du 1er siècle av. J.-C. pour faire place à un domaine viticole classique comme il en existe beaucoup sur les rives de l’étang de Thau. La présence des deux bassins de décantation pour la vinification du jus de raisin et les restes d’un chai avec des cavités accueillant des dolia (grandes amphores de stockage du vin) attestent de cette activité. Etrangement, l’usage viticole du site semble être abandonné vers 70 après J.-C., dans une période où la viticulture est justement en plein développement.
Les objets trouvés sur place sont essentiellement des amphores d’importation d’Italie et d’Espagne servant à transporter l’huile, le vin, les sauces de poisson… qui prouvent une vie assez intense. Les archéologues ont aussi exhumé des céramiques de vaisselle, de gobelets et de lampes à huile qui évoquent probablement un niveau social relativement élevé et laissent supposer que l’habitat des maîtres du domaine doit se trouver à proximité ».
Autre découverte intéressante selon Ronan Bougaut, « la présence massive de coquilles de pétoncles, de moules et surtout d’huîtres qui pourraient peut-être nous permettre de savoir depuis quand on consomme des coquillages autour du bassin de Thau. Il semblerait que l’on se situe dans le règne d’Auguste (de 27 av J.-C. à 14 après J.-C.). Cela reste à préciser ».
Au terme de cette campagne de fouilles préventives, le projet immobilier pourra suivre son cours. Les données archéologiques extrêmement précises et complètes ainsi collectées permettront ce que les spécialistes appellent « la conservation par l’étude » et viendront enrichir la connaissance des activités humaines sur les rives de Thau durant l’antiquité.
source : www.ville-meze.fr