Prix de l'énergie : des aides trop peu ciblées selon la Cour des comptes
Bouclier tarifaire, remise carburant, chèque fioul... Depuis l'automne 2021, l'État a mis en place 25 dispositifs pour faire face à la crise énergétique. Ils visent aussi bien les ménages que les entreprises, les associations ou les collectivités.
Le 15 mars 2024, la Cour des comptes a publié un rapport sur les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie prise depuis l'automne 2021.
Des mesures efficaces mais aussi des effets d'aubaine
Selon la Cour, "les mesures de réduction des hausses de prix de l’électricité, comme du gaz et des carburants, ont atténué de façon significative la répercussion des augmentations des prix de gros sur les factures des clients finals."
Pour l'électricité, par exemple, le prix moyen payé hors TVA par l’ensemble des ménages en France a progressé de 7,4% entre 2021 et 2022 (il pourrait augmenter de 18,5% en 2023). Sans le bouclier tarifaire électricité, la hausse des prix hors TVA aurait atteint près de 40% en 2022 puis plus de 50% en 2023.
De nombreuses mesures de baisse de prix s’appuient sur des intermédiaires (fournisseurs d’énergie ou distributeurs de carburant) destinataires directs des soutiens financiers mis en place, qui sont censés répercuter ce soutien sous forme de baisse de leurs prix de vente aux clients finals.
D'après la Cour, il existe, sur certains dispositifs, un flou sur le caractère obligatoire d’une telle répercussion, et, dans tous les cas, la nécessité d’en contrôler la réalité et les conséquences pour attester de l’efficacité des aides accordées.
Certains ménages, ont pu bénéficier d’une protection potentiellement supérieure à celle des tarifs réglementés de vente.
Le coût brut pour l’État de l’ensemble des mesures adoptées depuis l’automne 2021 atteindrait près de 72 milliards d'euros (le bilan définitif ne pourra être connu que courant 2024).
Ce coût élevé s'explique par les caractéristiques des principaux dispositifs majoritairement destinés aux ménages (pour 60%) qui sont :
- à 90% sans ciblage en fonction des revenus ;
- sans limite de volumes.
Si la consommation en gaz des ménages et des entreprises a reculé en 2022, en soutenant les volumes de consommation d’essence et de gazole, les aides ont augmenté les émissions de CO2 liées aux transports.
Une étude du Conseil d’analyse économique sur la consommation de carburant des automobilistes estime que la "remise carburant" a augmenté les émissions de CO2 de 48 à 93 kg de CO2, en moyenne, par ménage automobiliste. La consommation annuelle de carburant routier est en hausse de 2,2% en 2022 par rapport à 2021.
Des aides ciblées sur les consommateurs les moins à même de supporter financièrement les hausses de prix auraient permis parallèlement de maintenir une incitation à la baisse de consommation à travers le signal-prix.