Le Pavillon Populaire de Montpellier présente la première grande exposition en France sur l’oeuvre du photographe catalan Antoni Campañà i Bandranas (Arbúcies, 1906 - Sant Cugat del Vallès, 1989) consacrée à la guerre d’Espagne.
Caché et inédit pendant quatre-vingts ans – jusqu’à la découverte, il y a cinq ans, de sa fameuse « boîte rouge », contenant cinq mille photographies prises durant les trois années de la guerre civile espagnole –, son travail déroule la complexité du conflit et des tensions croisées qui éclateront à l’été 1936 et finiront par entraîner l’Europe dans la seconde guerre mondiale.
Partant du principe que la guerre est l’expérience la plus absolue, à travers des milliers d’images, Campañà en relève les contradictions, sans concession à la propagande d’aucune partie, avec la recherche de la beauté totale comme prémisse. Là où il y a destruction, il cherche la vie ; là où il y a l’euphorie des uns il nous montre la terreur des autres ; parmi les ruines de Barcelone bombardée, se dessine le portrait de l’âme humaine.
Lui qui n’est ni un opérateur politiquement engagé ni un photographe de guerre, décide de ne pas détourner son regard du conflit total qui se présente à lui. Utilisant l’appareil photo comme thérapie personnelle, ce catholique et photographe artistique enregistre les églises détruites par l’euphorie iconoclaste des miliciens anarchistes qu’il dépeint avec empathie, créant de magnifiques icônes révolutionnaires d’impact mondial. Lui, qui n’est pas franquiste, présente les troupes fascistes italiennes, maures et nazies allemandes victorieuses défilant à Barcelone en 1939 en usant d’une approche esthétique comparable.
Campañà photographie le début et la fin du conflit dans sa ville avec le même malaise. Au fil des images – staliniens catalans, réfugiés, barcelonais tentant de poursuivre leur vie quotidienne – c’est une immense tapisserie des multiples facettes d’un conflit total qui se déroule, laquelle impactera l’opinion publique française et occidentale et d’où, finalement, naîtra la photographie de guerre moderne.
Campañà connaissant les décors et personnes qu’il met en scène, son regard manifeste une complexité qui nous oblige à réfléchir et nous positionner à travers une oeuvre beaucoup plus nuancée que celle d’autres grands noms de la photographie, présents dans les mêmes rues et fronts de bataille. Utilisés par toutes les parties en guerre, manipulés et décontextualisés, les instantanés de Campañà offrent un point de vue jusqu’ici inexploré sur cette période encore à découvrir.
Sous le commissariat d’Arnau Gonzàlez i Vilalta, professeur d’histoire moderne et contemporaine à l’Université autonome de Barcelone, de Plàcid Garcia- Planas Marcet, journaliste et correspondant de guerre à La Vanguardia, et Toni Monné Campañà, petit-fils du photographe et représentant du Fonds Campañà,l’exposition du Pavillon Populaire explore un ensemble de près de deux-cents images, dont beaucoup d’inédites, accompagnées d’un matériau historique (documents iconographiques, objets) venant constituer un contexte explicatif nécessaire à la compréhension globale de cette période dramatique de l’histoire de l’Espagne et de l’ensemble de l’Europe.
Légendes photos :
Véhicule abandonné dans un ravin à Portbou après la “retirada” des républicains (mars 1939) ©Arxiu Campañà
Le dessinateur Francesc Nel·lo, avec la faucille et le marteau sur le dos, peignant de la propagande antifasciste sur les trains de la gare de Sant Andreu durant l'été 1936 ©Arxiu Campañà