L'aventure phocéenne à Lattara
Tel est le titre de l'exposition inaugurée le 23 novembre au musée Henri Prades à Lattes, visible jusqu'au 6 juillet 2020.
Exposition d'intérêt national qui montre avec clarté, rigueur et exigence les influences amenées par les Grecs de Phocée (Asie Mineure) parmi les populations de la rive nord de la Méditerranée occidentale, Gaulois et Ibères. Apports multiples, plus ou moins acceptés grâce à des contacts pas toujours pacifiques.
Une carte situe les établissements grecs en Méditerranée nord occidentale. De l'Etrurie à l'Ibérie s'égrenaient Nikaïa, Olbia, Massalia, Agathé, Emporion. L'établissement indigène de Lattara, à l'embouchure du Lez, était en liaison avec Massalia, Alalia (Aléria), Emporion, participant aux échanges et contacts par voie maritime et donc à cette grande entreprise des populations d'Ionie. Laissant des traces parfois fugaces, comme ces graffitis sur un bloc calcaire de l'Alcazar de Marseille où apparaît l'éperon d'une galère. Mais les traces de l'aventure humaine sont plus évocatrices. Elles montrent l'intégration dans l'espace nord méditerranéen où ils vont laisser une empreinte durable. Venus d'Ionie, barrés par Milet en mer Noire, les Grecs d'Asie Mineure étaient en quête de métaux (fer, bronze) ainsi qu'en témoignent les dépôts métalliques de Saint Martin d'Empuries ou bien les 1 700 pièces de Rochelongue à Agde. Dans les cales de leurs vaisseaux, les Phocéens emmenaient de la céramique de luxe depuis les lampes à huile, les vases zoomorphes ou bien toute une vaisselle raffinée, adoptée pour les offrandes votives des tombes indigènes. Et puis, les Grecs apportaient cratères et coupes à boire ce vin amené à pleines amphores depuis Massalia.
Et les amphores à céramique grises voisinent dans l'exposition avec les coupes lisses, vernies noires, les récipients à eau (œnochoe), tout un service à vins. Car le savoir boire grec était une véritable culture où avait part la musique et la poésie. Et avec l'art de vivre de Phocée, suivaient l'architecture et les croyances. Voici un chapiteau ionique venu d'une construction provençale. Voici, venue de Massalia, une statuette d'Artémis et, d'Empuries, une statue d'Asclépios, dieu de la médecine. Mais c'est bien "l'emporia" (commerce régulier pratiqué par des professionnels) qui sous tend la diffusion du style de vie à la grecque et l'afflux d'objets phocéens dont les admirables pièces aux figures noires (géants affrontant Athéna).
Et voici les moyens d'échange : petites oboles de bronze ou d'argent, drachmes de Massalia. Sur les feuilles de plomb ou sur des débris de poterie (ostrakon) sont notés listes et contrats. Mais l'écriture ne sera vraiment adoptée par les autochtones qu'après plusieurs siècles. Et parmi d'autres conduites identitaires, se maintiennent des rites funéraires. On peut vendre du fer en barre et conserver sa propre vaisselle.
Des résistances à la présence grecque, il y en eut. Les contacts furent parfois guerriers. C'est bien un casque corinthien du VIIè siècle av . JC, en cuivre martelé qui est à l'affiche de l'exposition. Etrange et inquiétant.
Hervé Le Blanche