A partir du 6 février et jusqu’au 14 avril 2019 aura lieu au Pavillon Populaire de Montpellier une exposition photographique consacrée à Andy Summers. L’artiste est surtout connu pour avoir été le guitariste du groupe Police dont on connaît principalement et essentiellement le chanteur Sting.
Ce que l’on sait moins d’Andy Summers, c’est sa qualité de photographe, à l’aune de son talent musical.
Que montre cette exposition ?
Des personnages vus de dos dans l’épaisseur d’une brume, derrière un rempart, le long d’un mur d’ombre ; quelques carcasses, comme les vestiges d’un monde déjà tombé en ruine, dans un oubli végétal ou rocheux ; des gestes imprécis, volés, captés dans l’instant de leurs repli ; une main, un bras qui se tend, se lève, une jambe qui marque un pas, des visages sous une lumière sublunaire, tronqués, desquels on ne voit que le bandeau d’un front, la pointe d’un menton, l’ovale d’un œil ; des hommes et des femmes apparus, campés on ne sait comment, dans des lointains déserts, des proximités douteuses, des paysages excentriques, des halos de lumière ou d’ombre ; et puis des portraits, de faux portraits, des portraits manqués, flous ou grossis à l’extrême, crevant l’objectif, et qui s’effilochent, du fait de ce grossissement même, en morceaux épars pour aller rejoindre à leur tour les bribes et gestes précédents.
Autant d’attitudes, de formes, d’objets, de figures errantes, qui peuplent et qui sous-tendent en réalité les aspects massifs et fallacieusement cohérents des gestes et des actes de la vie quotidienne, de la vie visible. La vie serait faite d’une multitude de choses rares et anonymes ; elle serait essentiellement constituée de ces gestes imperceptibles, ces formes cahoteuses et vagabondes, et dont l’accumulation constitue l’avant ou l’après, tremblants et incertains, de l’acte commis, du portrait en pied ou de la forme accomplie - comme autant de notes musicales fuyantes et qui scandent en cœur une pulsation interne et sous-jacente.
Moins une « inquiétante étrangeté » que l’étrangeté même de ces faits et gestes venus d’un autre monde – le nôtre. Moins surréalisme au sens d’Aragon ou de Breton, que ce qui existe sous la réalité visible de la vie ; surréalisme si l’on veut, mais au sens premier du terme ; « sous-réalisme » plutôt, dans la mesure où sont évoqués ici ces gestes et formes à l’orée du temps – gestes à la lisière de l’apparence, entre l’ombre et la lumière, à peine apparus pour aussitôt disparaître.
Se dégage de ces photographies d’abord la grande sensibilité de l’artiste. Son regard jeté à travers l’objectif sur l’objet rare et anonyme, relève de l’acuité empathique. Il en émane aussi un sentiment de solitude qui est d’abord celui de l’objet photographié : telle rue déserte, telle carcasse abandonnée, tel visage anonyme traversant la scène ; la solitude du photographe ensuite, magnétiquement subjugué par tel décor anonyme, tel détail insolite. Enfin, il ressort de ces photographies un sentiment de nostalgie et de mélancolie profonde, prégnante, tellement ces objets et gestes entrevus, semblent tendus vers leur propre disparition.
Ces photographies qui semblent prises au hasard, selon le caprice d’un déclic automatique, sont en réalité le résultat d’un travail construit, volontaire et consenti. Les perspectives droites sont soigneusement évitées, les portraits francs expressément voilés, les formes certaines rendues à leur propre tremblement. Ce qui prime ici ce sont les perspectives travesties, les anamorphoses et les détails insolites.
Andy Summers a voulu donner à l’exposition qui présente son travail photographique un titre : « une certaine étrangeté ». L’exposition est bien nommée. Allez-y ! F. Bacha
Pavillon populaire - Esplanade Charles-de-Gaulle - 34000 Montpellier
Entrée libre du mardi au dimanche Hiver : 10h - 13h et de 14h - 18h / Eté : 11h - 13h et 14h - 19h